Paris, le 23 juillet 2025
Quatre organisations représentatives des Voyageur·euse·s français·es – Action Grand Passage (A.G.P.), Association Nationale des Gens du Voyage Citoyens (ANGVC), Association Sociale Nationale Internationale Tzigane (A.S.N.I.T.) et Observatoire des Droits des Citoyens Itinérants (ODCI) – ont adressé une lettre d’alerte urgente aux Rapporteurs spéciaux des Nations Unies.
Cette saisine exceptionnelle dénonce une dynamique répressive qui, sur fond continu de discours anti-Voyageurs incitant à la haine et à la discrimination, conjugue une vague de propositions de loi répressives et la mise en place d’un groupe de travail gouvernemental destiné à renforcer l’arsenal répressif qui criminalise leur mode de vie. Ces mesures s’ajoutent à un contexte déjà dramatique de discrimination raciale systémique et violations constantes de leurs droits fondamentaux.
Une progression des violations en forte augmentation
- Plusieurs propositions de loi répressives (PPL Mendes n°894, PPL Pauget n°1413, PPL Albertini n°906 retirée en avril 2025) visant à durcir drastiquement les sanctions contre leur mode de vie
- Un groupe de travail ministériel lancé en mars 2025 pour « diminuer le nombre d’installations illicites » et « accélérer les procédures d’évacuation »
- Une circulaire ministérielle envoyée aux préfets le 7 juillet 2025 exigeant de « recourir systématiquement aux procédures d’évacuations forcées »
Cette escalade répressive vise à chasser les Voyageur·euse·s de la quasi-totalité du territoire français : multiplier et accélérer les expulsions forcées à répétition sans offrir d’alternatives viables et respectueuses de leurs besoins, interdire plus longtemps l’accès aux territoires qui sont leurs lieux de vie, et augmenter les sanctions pénales (y compris la durée d’emprisonnement) pour le fait de vivre là où ils sont indésirables – soit actuellement la majorité du territoire français.
Ces mesures s’ajoutent à un contexte où les endroits licites d’habitation en caravane sont rares, absents de nombreuses zones du territoire et souvent impropres à l’habitation humaine, créant une errance forcée aux impacts dramatiques : ruptures de scolarité, accès inégal à l’éducation et à la santé, coupures d’eau et d’électricité, marginalisation sociale.
« Notre culture en danger » : un appel solennel aux Nations Unies
Dans leur lettre aux Rapporteurs spéciaux sur les droits culturels, les questions relatives aux minorités, les formes contemporaines du racisme et le droit au logement convenable, les organisations dénoncent des violations flagrantes du droit international et sollicitent une intervention urgente.
« Cette offensive vise à nous assimiler de force et nous contraindre à abandonner la vie de voyage, élément primordial de notre culture », alertent les associations dans leur courrier. « Les situations d’errance forcée ne relèvent pas de la délinquance, mais d’un défaut structurel de politique publique. »
La France a déjà été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’homme pour ses carences en matière de logement et ses discriminations systémiques à l’encontre des Voyageur·euse·s.
Une mobilisation déterminée : « Nous ferons tout le possible »
Face à cette escalade, les organisations des Voyageur·euse·s diversifient leurs stratégies de résistance en saisissant les instances internationales, après avoir documenté leur mobilisation contre la loi Albertini dans cette vidéo.
« Nous mobiliserons tous les moyens légaux nécessaires pour stopper cette persécution, protéger notre mode de vie et défendre notre dignité et nos droits fondamentaux », déclarent les représentants des organisations.
Cette saisine des Nations Unies s’inscrit dans une démarche complémentaire à l’action citoyenne, témoignant de la détermination des Voyageur·euse·s à défendre leur existence par tous les moyens légaux disponibles.
Un écho des heures les plus sombres de l’histoire
Les associations alertent sur le caractère historique de cette escalade : « Aujourd’hui, bien que les camps aient disparu, les logiques de catégorisation, d’assignation à résidence dans des lieux désignés et d’évacuation de l’espace public demeurent au cœur du traitement institutionnel des Voyageurs par l’État français. »
Cette offensive législative répressive, si elle aboutit, portera un coup fatal à leur culture et touchera par la suite d’autres populations. « L’histoire de la Seconde Guerre mondiale a déjà démontré les impacts de ces logiques racistes, aujourd’hui remises en marche sous d’autres formes », rappellent-elles. Plus de 6 000 Voyageurs (hommes et femmes, enfants et veillards) avaient été internés dans une trentaine de camps sur le territoire français, facilité par un système de fichage et de contrôle des déplacements.
« Le temps presse. Il est important de stopper cette escalade de répression », concluent les organisations.
(RE)Claim a participé à cette mobilisation en contribuant à la rédaction de cette saisine et continue de soutenir les associations face à cette offensive répressive.